"Plutôt que de nous voir imposer un arrêté préfectoral qui aurait limité la quantité d'eau que nous pompons, nous avons préféré prendre les devants devant cette situation inquiétante", explique Norbert Jehl, agriculteur à Lutterbach et président du syndicat d'irrigation réunissant les cultivateurs concernés, installés entre Masevaux et Mulhouse. Le dispositif concerne 250 hectares de cultures irriguées, principalement des champs de maïs - grands consommateurs d'eau - mais également de pommes de terre, de betteraves et de petits fruits. "En fait nous n'irriguons pas moins en quantité, mais nous étalons dans le temps nos périodes de pompage, afin de ne pas trop solliciter la rivière et sa nappe phréatique au même moment", précise M. Jehl. Concrètement, les agriculteurs de la vallée se sont organisés deux par deux : quand l'un arrose, l'autre attend son tour. "Du coup, leur pic de consommation est divisé par deux : il atteint au maximum 150 litres par seconde, contre 300 lorsqu'ils ne prennent aucune précaution", calcule Alfred Klinghammer, en charge de l'irrigation à la chambre d'agriculture du Haut-Rhin. Ce chiffre est à comparer avec la consommation de l'agglomération de Mulhouse (170.000 habitants environ), dont le service des eaux puise chaque jour en moyenne quelque 650 litres par seconde dans la nappe phréatique de la Doller. "Cet effort des agriculteurs est d'autant plus nécessaire que le débit de la rivière se situait le 10 juillet aux alentours de 450 litres par seconde, un niveau exceptionnellement bas", ajoute M. Klinghammer. L'initiative des céréaliculteurs a été prise après concertation avec les services de l'Etat, qui n'ont pour le moment imposé aucune mesure de restriction aux agriculteurs du département, souligne Jean Kugler, de la direction départementale de l'agriculture (DDA). "Cette mesure nous convient parfaitement", affirme M. Kugler. "Elle est d'autant plus louable que les agriculteurs ont déjà subi d'importantes baisses de rendement sur le blé, qui a déjà été moissonné, et qu'ils ont de bonnes raisons d'être inquiets à propos du maïs", observe-t-il. "En attendant que la situation s'améliore, nous avons demandé aux maires des communes situées dans le bassin de la Doller de sensibiliser la population à la nécessité d'économiser l'eau. Tout le monde devrait suivre l'exemple des agriculteurs", ajoute M. Kugler. Reste que la pluie se fait toujours attendre dans le sud de l'Alsace. "Il faudrait des précipitations abondantes pour mettre fin à cette crise. Si ce n'est pas le cas, nous pourrions être obligés d'imposer des mesures plus restrictives", prévient-on à la DDA. |